Il n’y a plus que deux petits mois qui nous séparent de notre grand départ. Deux mois pour abattre de longues listes de choses à faire dans le but de préparer le bateau, la maison et l’équipage à l’épopée qui nous attend. Pendant que Sounda s’occupe des préparatifs en vue de l’école à bord et du nécessaire pour nous garder en santé, je me concentre sur la maison et le bateau. Je reviens d’ailleurs d’un séjour de 2 semaines en Floride qui m’a sollicité dans plusieurs domaines d’expertise.
J’ai une longue liste d’améliorations que je veux apporter à notre bateau pour l’adapter au périple que nous allons faire avec lui au cours des deux prochaines années. Ce sera non seulement un véhicule pour nous transporter du point A à B, mais ce sera également notre maison, notre terrain de jeux et notre sécurité contre les éléments qui s’abattront sur nous. J’ai maintenant navigué plus de 3000 miles nautiques (5500 km) à son bord et il n’y a pas eu une journée que je n’ai pas inscrit une note, une idée ou un problème qui mériterait, un jour, une attention particulière. Ceux qui me connaissent savent que je peux être un tantinet perfectionniste et cela ne change pas sur un bateau et encore moins à l’aube d’un grand départ… Je fais donc le nécessaire pour passer en revue chaque aspect du bateau. C’est une machine complexe dotée de plusieurs systèmes dont je suis l’esclave pour assurer le fonctionnement adéquat. C’est un grand défi qui stimule mes neurones vieillissants! Mes priorités sont déterminées en fonction de l’importance des tâches à accomplir: la propulsion (moteur et voile) vient en premier, ensuite l’énergie, la sécurité, le confort, les commodités et enfin, le cosmétique.
Être paré pour affronter le pire
Je lis en ce moment plusieurs livres écrits par John Kretschmer, un navigateur qui a affronté les pires conditions météorologiques. C’est le genre assez fou pour accepter de convoyer un voilier de New York jusqu’en Norvège en plein mois de janvier. Il a traversé des ouragans, des mers croisées et toutes les conditions inimaginables. En plus de donner des formations sur la navigation par gros temps, il a écrit des livres passionnants sur le sujet. Je lis, je prends des notes et j’apprends. Je m’abreuve de toutes ses expériences dans le gros temps, pour en tirer des conclusions qui me permettront peut-être un jour, de prendre de meilleures décisions.
Je ne peux m’empêcher de revivre au passage le convoyage que j’ai fait avec Daniel Nadeau à bord de [glossary]Voilo[/glossary]. Comme je sais que je peux revivre ce genre de condition l’an prochain, j’ai décidé de soulager le bateau avec un gréement adapté pour des vents de catégorie 8 et plus (60 km et +). Pendant mon séjour en Floride, Florida Rigging est venu prendre les mesures pour installer un nouveau étai et enrouleur pour une voile tempête et Doyle va me confectionner une trinquette de 24 m2. (en bleu sur l’image, le noir est une voile tempête et en rouge, mon génois sur enrouleur existant.)
La société des électrons disparus
Sur nos voiliers modernes, nous développons une dépendance face à l’électricité et par conséquent, une panne électrique pourrait affecter sérieusement notre plaisir à bord. J’accorde donc une grande priorité à régler les problèmes de nature électrique à bord, car c’est la base de plusieurs éléments de sécurité (positionnement GPS, traceur de position satellite SPOT, dispositif d’avertissement AIS, cartographie marine) en plus d’être essentiel à notre confort familial.
Le bilan énergétique est un peu comme un budget: il doit avoir un équilibre entre les entrées (production) et les sorties (consommation). Sur le tableau de bord du bateau, il y avait un indicateur de consommation électrique, mais au fil des semaines passées à bord, j’ai réalisé que je ne pouvais pas vraiment m’y fier. J’avais vraiment l’impression qu’il y avait un trou dans nos batteries qui laissaient fuir les électrons.
En décembre 2013, j’ai fait une découverte importante: un des deux chargeurs installés à l’usine ne fonctionnait pas. La génératrice produisait 60 ampères mais seulement la moitié était envoyés aux batteries. Le reste était perdu! Je n’ai même pas cherché à obtenir un remplacement sous garantie. J’ai tout simplement excommunié la marque Cristec à tout jamais de mes bateaux, car s’ils ne sont pas en mesure d’avoir un département d’assurance qualité, ils ne méritent pas de m’avoir comme client. Au mois de juin dernier, j’ai remplacé celui qui était défectueux et pour parer à d’éventuelles défaillances, j’ai remplacé son compagnon par un produit d’une marque réputée: ProNautic. (Oui, je sais, il me reste encore trois appareils Cristec à bord, dont un sur la photo. Ils seront éjectés au moment opportun.)
Maintenant, la génératrice envoie toute sa gomme aux batteries, mais je ne suis pas au bout de mes peines. La consommation électrique est toujours anormale ce qui me tourmente encore passablement. Ma solution est enfouie quelque part dans les catacombes à l’arrière du bateau. Je décide donc de ramener cette pièce dans le tableau de bord. Il s’agit du contrôleur des panneaux solaires et il peut me fournir une quantité impressionnante de données sur l’état des batteries. Et ça tombe bien, car je dois aussi comprendre pourquoi le rendement de mes panneaux solaires (430W) n’est pas suffisant pour compenser la dépense énergétique de mon frigo/congélo…
Après une tournée chez Home Depot pour aller chercher un outil approprié pour la découpe du bois, je prépare un coin pour accueillir le nouvel instrument. Cela me demande de déplacer le contrôle de l’air conditionné et tant qu’à avoir l’outil dans les mains, j’en profite pour installer également le module de contrôle pour l’osmoseur dont l’installation tarde à se compléter. Après une demi-journée de travail à mesurer, valider et s’assurer de ne pas faire d’erreur avant de percer des gros trous, le résultat est parfait.
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Bon, un nouvel appareil qui est monté sur le panneau de bois, mais il ne fonctionne pas encore. Il faut aussi installer le module de mesure de courant (shunt) au bon endroit dans le circuit électrique, idéalement aux bornes de la batterie principale. Tant qu’à être dans ce coin du bateau, je fais une découverte intéressante: Beneteau, dans leur grande sagesse de constructeur naval, a cru bon de placer leur instrument de mesure à un endroit où seulement la consommation de certains appareils est reflétée. Peut-être que c’est intentionnel pour ne pas faire peur à leurs clients, mais je réalise que je ne peux vraiment pas me fier à la consommation présentée sur le tableau de bord n’a pas grand-chose à voir avec la réalité… Un pas de plus pour comprendre où vont mes électrons libres!
Après plusieurs voyages aux magasins et quelques colis reçus d’Amazon, mon appareil est enfin connecté et fonctionnel. Je suis anxieux de connaître ma consommation! J’éteins tous les interrupteurs et mon nouvel appareil indique que je consomme encore 2.5A. Bizarre et c’est quand même un gros chiffre… Je devrai diagnostiquer ce problème plus tard… Je vais plutôt trouver une bonne nouvelle: la production des panneaux solaires. Il est midi et en plein soleil, les batteries devraient recevoir un bon 15A… Et mon appareil indiqua 5.3A, trois fois moins la consommation espérée…
Ma nouvelle priorité était claire: je devais comprendre pourquoi les panneaux produisaient aussi peu. Après le moteur et la génératrice, mes panneaux sont la seule autre source pour produire d’énergie que nous disposons. Il est donc impératif de bien comprendre pourquoi j’ai un rendement aussi abyssal.
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Mes panneaux sont très minces et fixés sur une arche en aluminium derrière le bateau. Quand j’ai dessiné le tout, j’ai opté pour un look minimaliste et je suis assez satisfait du résultat. Mais effectuer la maintenance est un calvaire, car il n’y a pas vraiment d’espace pour travailler. Enfin, après deux jours de travail, je réussis à démonter le tout. Je découvre une surprise toute verte:
Le détaillant Florida Yacht Group qui m’a vendu le bateau et préparé mon installation électrique n’a pas cru important d’étanchéiser les connexions électriques, car elles étaient dans une petite boîte de plastique. Wrong!!!! L’air salin dépose une fine couche poisseuse sur tout et le moindre métal, même le stainless, finit par se faire gruger par ce cancer implacable. Évidemment un fil électrique multibrin agit en plus comme un capillaire et la corrosion avance inexorablement sur le fil, formant une barrière qui ralentit ou bloque les électrons qui veulent rejoindre les batteries. Fier d’avoir trouvé mon problème, je fais l’ablation de tout ce qui démontre des signes de corrosion, je renouvelle les connexions et réinstalle le tout. J’accours à mon instrument de mesure pour confirmer que j’ai eu une bonne journée et que je peux être fier de moi. Nah… Rien de mieux, c’est comme si je n’avais rien fait… Un peu découragé, je ferme le chantier pour la nuit.
Il a fait 35C tous les jours en Floride… Travailler sous le soleil plombant, c’est une torture et non pas un plaisir. J’ai donc à partir de ce jour consacré les extrémités de mes journées aux panneaux solaires et le reste à mes travaux à l’intérieur.
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J’ai monté et démonté 8 fois mes panneaux solaires, le support et les connexions électriques. Le constat est que deux panneaux sont complètement morts (les plus récents) et les deux autres fonctionnent au 2/3 de leur rendement. Je suis en contact avec Aurinco, la compagnie qui les produit, pour trouver un arrangement.
J’ai pris deux jours pour installer de nouveaux contrôleurs solaires pour augmenter mon parc de panneau solaire. En décembre, cinq nouveaux panneaux vont amener ma capacité à 980W qui devrait produire entre 275A et 350A par jour ensoleillé. De nouveaux câbles ont remplacé ceux qui étaient corrodés et d’autres ont été ajoutés en préparation de la nouvelle installation.
Côté consommation, j’ai cru remarquer le frigo/congélo est pratiquement toujours en fonction. L’achat d’un thermostat infrarouge m’a permis de constater une différence de 6 degrés entre les armoires environnantes et la porte. Après inspection sommaire, la porte qui ferme le frigo à l’avant n’est pas au bon endroit, ce qui fait que le sceau d’étanchéité pour le froid n’est appuyé que sur 2-3 millimètres… Le frigo doit donc compenser cette perte de froid, ce qui alourdit notre bilan énergique. (Et comme le tout est collé, je préfère avoir toutes les pièces de remplacement, car assurément, le plastique va casser quand je vais essayer de régler le problème…)
Pour conclure, je n’ai pas encore le portrait global de notre bilan énergétique à bord, mais je m’approche d’une réponse… 🙂
Y a-t-il un ébéniste dans la cabine?
Avez-vous un lave-vaisselle à la maison? Est-ce que vous vous en servez? Sounda estime que le nôtre nous épargne une heure par jour, alors c’est un appareil que nous voulions avoir à bord. (Oui, je sais, c’est un luxe décadent sur un voilier…). Beneteau offre l’option lave-vaisselle sur sa liste de prix, ce que nous avions coché lors de l’achat du bateau. Mais le lave-vaisselle qui nous a été livré était une vraie farce. Un Danby tellement petit que nos assiettes n’entaient pas dedans. Un Danby tellement nul que la vaisselle ressortait plus sale qu’au début. Un Danby que je voulais lancer par-dessus bord à la première occasion.
Évidemment, les dimensions à bord limitent énormément les choix s’offrant à nous. Et si on essayait de mettre un tiroir lave-vaisselle comme à la maison? Fisher Paykel étant la seule compagnie offrant ce produit sur le marché (des brevets leur garantissent encore l’exclusivité), j’ai réalisé que l’espace du vieux Danby était trop petit de 1 cm en largeur et de 1.5 cm en profondeur. Agrandir était possible, mais demandait de passer au bistouri (ou à la tronçonneuse) une bonne partie des cloisons.
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Après avoir réfléchi pendant des jours (pendant que j’étais en train de faire les travaux électriques), et une dernière consultation avec l’amiral qui a eu raison de mes hésitations, j’ai décidé d’entamer le projet. Et quand la scie trace son chemin dans les boiseries, on se sent réellement commis et il n’y a pas de retour en arrière… J’avais pris de bonnes mesures, car le trou était parfait lorsque j’ai mis le lave-vaisselle en place.
Évidemment, tant qu’à être dans ce coin du bateau, j’ai éliminé le filtre à l’eau d’origine pour le remplacer par un de meilleure qualité (WaterChef), j’ai arraché le robinet qui servait uniquement pour la pompe à pied pour le remplacer par l’eau filtrée (des réservoirs) ou une sortie directe de l’osmoseur (pour remplir les bouteilles d’eau). Pour parer à une panne de la pompe qui sert à créer une pression pour l’eau à bord, j’ai inventé un système avec des valves unidirectionnelles pour que nous puissions avoir l’eau des réservoirs au robinet principal avec la pompe manuelle. J’ai testé le lave-vaisselle avec toute la vaisselle que j’avais sali dans mon séjour (ça faisait 8 jours que j’utilisais de la vaisselle et le tout s’accumulait dans l’évier. Soit je branchais le lave-vaisselle, soit je sortais la lavette… Comme je suis plutôt paresseux, j’ai choisi de brancher le lave-vaisselle (ce qui a nécessité 3 visites à la quincaillerie pour avoir tous les bons morceaux…)
Dans les derniers jours, j’ai pris toutes les mesures qui vont servir à découper les nouveaux panneaux qui vont venir cacher le carnage à la tronçonneuse que j’ai fait… J’ai modélisé le tout en 3D et tout est précis au mm près! (en théorie!). J’en ai profité pour ajouter un panneau (en haut à droite) que je vais installer derrière le tiroir d’ustensiles, car sinon, ils partent visiter le fond de la cale lorsque la gîte à tribord est un peu trop prononcée…
Une transformation extrême
Tant qu’à être dans la modélisation 3D, j’ai aussi dessiné le meuble qui sera installé dans la 2e douche. Nous avons décrété qu’une douche, c’est suffisant à bord et que l’espace occupé par l’autre sera converti en buanderie et rangement. Nous avons de gros appareils dans la cuisine que nous utilisons fréquemment (Vitamix) et certains que nous allons certainement utiliser beaucoup (Thermomix, machine à glace, etc.). Et une machine à laver, ça peut être une bénédiction à bord pour éviter de gaspiller une journée à cette tâche qui revient somme toute toutes les semaines (ou deux quand on est principalement dans la tenue d’Adam et Eve). Comme nous ne voulons pas que cette transformation soit permanente, nous ne voulons pas percer la douche avec des trous de vis. Tout doit être maintenu en place et solidement par pression, et ce, pour toutes les conditions de navigations que nous allons traverser au fils des mois. Encore une fois, j’ai usé de mon imagination et de mes connaissances en 3D pour dessiner le meuble parfait pour cet espace et cette vocation.
Pour mes travaux d’ébénisterie, je vais faire appel à La Clef de Voûte à Montréal, une ébénisterie qui produit des cabinets et des meubles de grande qualité avec une équipe sympathique, talentueuse et avant-gardiste.
Aziz, Light!
Dans les premières séquences du film Le 5e Element, on entend souvent le professeur demander de la lumière… Un de mes petits projets était d’installer de lumière sous l’arche. Cela va nous faciliter la vie lorsque nous reviendrons un peu éméchés de 5 à 7…8…9… minuit ou bien pour voir les poissons derrière le bateau…
Infiltrations d’eau
Depuis un moment, je sais qu’il y a de l’eau qui s’infiltre dans le bateau lorsque le dodger n’est pas en place. Mais ce que je n’avais pas anticipé, c’est qu’un morceau du pont de 3’ x 3’ m’est resté dans les mains! Il aurait dû être collé, mais la colle a perdu son emprise sous le soleil et la chaleur torride de la Floride… J’ai dû tout gratter, analyser l’écoulement de l’eau, boucher les endroits où je ne veux laisser un passage pour l’eau et recoller le panneau de pont au 4200 (Colle moyennement forte de 3M). Ça prend beaucoup d’eau pour se désaltérer, car c’est un projet qui m’a fait suer l’équivalent de 2 litres d’eau!
Essai d’une nouvelle voile pour la garde-robe de Jayana
Mon voyage s’est terminé par une escapade sur l’eau à St.-Petersburg dans le but d’essayer une voile particulière, la Parasailor. C’est une voile génétiquement modifiée dans laquelle on a injecté quelques gènes de parapente. Le résultat est plutôt inusité mais c’est la possibilité d’avoir une voile couvrant de 70 degrés à 180 degrés, utilisable par 4 à 30 noeuds de vent en solitaire qui m’a interpellé… Manier le tangon d’un soi est un calvaire sur un 35’ et à la limite de mes forces, alors je n’ose même pas imaginer ce que ça peut donner sur un 50’. Comme je n’ai pas l’intention de devenir un surhomme, j’étais à la recherche d’une meilleure solution. Et je crois bien l’avoir trouvé! On a décidé de la couleur hier justement… Elle sera comme ceci. N’est-ce pas beautiful?
Pour finir, voici mon compagnon d’un jour trouvé dans le cockpit. Lohan, qui l’a vu en photo, l’a trouvé réellement mignon… 🙂