Avez-vous une passion? Si oui, d’où vient-elle et comment l’avez-vous conservée à travers le temps? Voici l’histoire derrière la passion de Maël et pourquoi nous la cultivons si précieusement.
Lorsque la noirceur tombe, c’est la frénésie qui s’installe chez nos enfants. Ils sont excités à l’idée de se promener dans l’obscurité pour, peut-être, découvrir un insecte jamais vu ou être spectateurs d’une féroce bataille entre deux spécimens. Ce soir, pendant que je lave la vaisselle, Sounda et les gars assemblent leurs équipements: gants, lampes frontales, lumière ultra-violette et appareil-photo. Une fois dans le jardin, les découvertes fusent: crabes bleus, rainettes, grenouilles, araignée, etc. Une idée me trotte dans la tête… Et si j’appelais le célèbre entomologiste Georges Brossard pour l’informer que nous n’avons pas réussi à entrer en communication avec l’un de ses amis, qui habite justement à l’endroit où nous nous trouvons, à Manzanillo?
J’ai habituellement horreur de déranger les gens, surtout quand c’est pour des demandes personnelles. Mais son offre de rencontrer une personne locale, qui peut nous faire découvrir les secrets de Manzanillo, dont la tribu des Bri Bri, est excessivement alléchante… J’ai donc lancé le linge à vaisselle, rassemblé mon courage pour prendre mon téléphone et j’ai composé son numéro. Je sais qu’il était passablement tard à Montréal (20:30), mais dans le pire de mes scénarios, il ne décrocherait tout simplement pas le combiné.
Il a répondu.
J’ai eu une courte conversation avec M. Brossard où il m’a aiguillé vers une autre personne, que nous allons rencontrer demain soir. Cependant, il m’a appris qu’il était en train de préparer le lancement de son deuxième livre. Incroyable coïncidence, celui-ci sera lancé demain (le 15 mai) à l’Insectarium de Montréal. Plusieurs centaines d’invités sont attendus et je suis convaincu que toute la famille y aurait assisté, juste pour avoir la chance de voir les talents d’orateur de Georges Brossard à l’oeuvre. Après l’avoir remercié de faire preuve d’autant de générosité à notre égard, nous avons raccroché.
Et mon cerveau s’est emballé, comme il le fait toujours après un contact avec M. Brossard. Cette fois-ci, c’est le titre de son nouveau livre qui m’a plongé dans mes pensées.
“… PASSION”
Après tout, l’entomologie, cette science des insectes qui anime notre quotidien depuis des mois, provient d’un intérêt de la part de Maël. J’imagine que nous n’avons pas exprimé de dédain face à cette classe d’animaux lors ses premiers contacts, contrairement à la majorité des parents. Notre rôle a plutôt été de l’encourager dans son apprentissage de toutes les manières possibles. D’abord, nous lui avons procuré la série Insectia 2 pour démystifier le monde des arthropodes. Ensuite, Sounda a contacté son réalisateur, M. Brossard, pour solliciter une rencontre. Homme au grand coeur et surtout avec les enfants, il a accepté de rencontrer Maël et ce fut un tremplin pour l’intérêt de Maël en matière d’entomologie. Un intérêt qui s’est transformé en véritable passion.
Avec un peu de recul, je reconnais déjà l’ampleur des bénéfices de cette passion sur la vie de notre petit bonhomme. D’abord, ses connaissances sur les différents ordres, genres et espèces sont impressionnantes pour un garçon de 6 ans. Ensuite, il raffine ses techniques de chasse et son efficacité est maintenant redoutable. En fait, il est plus rapide et plus habile que moi à la chasse aux papillons en plein vol! Il reconnaît déjà que c’est la persévérance et l’effort qui sont les gages de sa réussite s’il veut augmenter sa collection de spécimens. S’il se décourage au premier insecte manqué, à la première heure sans rien trouver d’original, il peut passer à côté d’un trésor qui se cache au détour d’un chemin. Finalement, vous devriez voir ses yeux lorsqu’il repère un serpent, une tarentule ou une nouvelle espèce de luciole. Ils sont animés d’une telle lueur que je peux percevoir la fierté qui en émane…
J’ai eu moi-même mes propres passions, dont celle un jour de créer un jeu. Non pas que j’étais un grand joueur, mais au même titre qu’un écrivain se réalise avec l’écriture, j’avais un intérêt pour la création de jeux. Au fil des mois, cet intérêt s’est transformé en passion et j’ai, au fil des 5 années qui ont suivi, persisté dans ce domaine. Les acquis de connaissance ont été multiples: dessin, numérisation, programmation, rédaction anglaise, composition musicale, édition sonore, effets spéciaux, narration, scénarisation, marketing et j’en passe. Je suis arrivé en informatique à l’université avec un énorme bagage de connaissances transversales. C’est grâce à ce bagage que j’ai pu enseigner de nouvelles techniques à mes camarades de classe pour ensuite fonder ma première entreprise, qui oeuvrait dans la production d’applications interactives (iXmédia). J’ai eu une chance inouïe d’avoir des parents qui ont laissé libre cours à ma passion et je reconnais à quel point il est primordial d’encourager nos enfants vers leurs propres intérêts, même s’ils diffèrent des nôtres.
Pour en revenir à Maël, il est tel une fleur qui s’épanouit de jour en jour grâce à l’entomologie. Il est tellement fier de ses trouvailles qu’il n’hésite pas à entrer en communication avec autrui, peu importe la langue ou l’âge de ses interlocuteurs. Il utilise les insectes comme une porte d’entrée et il peut passer de longs moments à partager des anecdotes, montrer des spécimens ou conseiller sur des techniques de chasse. Sa facilité d’élocution et la quantité d’expériences qu’il a déjà accumulées à 6 1/2 ans le rend vraiment intéressant. Et s’il ne parvient pas à se faire comprendre en français, alors il utilise l’anglais ou même ses quelques mots d’espagnol pour passer son message.
Sa passion lui a permis de surmonter l’une de ses peurs les plus viscérales. Il y a 18 mois à peine, il n’osait pas s’aventurer dans la forêt à Boucherville, en plein jour, avec son père! Il connaît, au travers de la série Insectia, que la grande majorité des insectes sont nocturnes. Pour les observer et augmenter sa collection, il doit donc apprivoiser ce monde nouveau, peuplé d’ombrages effrayants, de bruits nouveaux et de lueurs étranges. Aujourd’hui, il déborde de joie lorsque nous pouvons sortir dans la forêt, avec une petite lampe de poche, pour affronter les monstres de la nuit. C’est pour lui l’occasion de faire ses plus belles chasses…
Maël a une propension à se décourager facilement, à ne pas accomplir une tâche s’il rencontre la moindre difficulté. Il n’est pas rare, lors des périodes d’école et en particulier pour résoudre des problèmes mathématiques, qu’il parte dans sa chambre en pleurant et en criant: “”je suis un nul!” ou bien “je ne suis bon en rien!”. Aujourd’hui même, il a vécu un échec important dans sa passion. Lui, qui croyait tout savoir sur les scorpions et en particulier comment les manipuler, a été piqué. Georges Jr, ou Centruroides limbatus de son petit nom scientifique, est un petit scorpion que plusieurs redoutent, jusqu’à ce qu’ils se fassent piquer, car il est inoffensif. La piqûre, qui fut dans le cas de Maël douloureuse pendant environ 15 minutes, est semblable à celle d’une guêpe. C’est donc une expérience sans aucune conséquence, à moins d’avoir une réaction allergique.
Ce n’est pas la première fois qu’il se fait mordre, piquer ou pincer et ce se sera assurément pas la dernière. En tant que parents, il nous serait facile d’édifier des barrières pour étouffer son sens de l’aventure et de découverte en l’imprégnant de nos craintes et de nos peurs. Au lieu de succomber à ce piège, nous développons une expertise pour identifier les spécimens qui pourraient être vraiment dangereux et ainsi, encadrer son exploration. Ensuite, lorsqu’il subit de cuisants revers comme celui d’aujourd’hui, il apprend par l’exemple la leçon de vie la plus importante: c’est en faisant des erreurs que l’on apprend le plus. Il ne faut donc pas se décourager lorsque l’on ne comprend pas, ou si notre résultat n’est pas comme nous le souhaitons. Ce n’est que le processus normal d’apprentissage et en fait, nous apprenons beaucoup plus quand nous faisons des erreurs. Pour se dépasser, il faut donc entreprendre des projets qui nous semblent difficiles, voire impossibles pour les autres! (Comme ce projet de voyage que nous vivons actuellement)
Mais la plus grande qualité que Mael est en train de développer au travers de sa passion, c’est l’estime de soi. Son aptitude à repérer des insectes ou d’autres animaux est telle qu’il réussit à impressionner les guides locaux. Les éloges à son égard sont nombreux et il réalise ainsi qu’il a un talent qu’il lui est propre et qu’il doit en être fier. Sa passion pour l’entomologie est donc primordiale, car elle nous donne, en tant que parents, tous les outils nécessaires pour le réconforter dans les moments difficiles de sa vie.
À long terme, il nous importe peu de savoir si son intérêt envers l’entomologie se transformera en métier dans ce domaine. Ce que nous savons par contre, c’est que notre principal rôle auprès de nos enfants, c’est d’alimenter leurs passions. Au travers celles-ci, ils en apprennent davantage sur eux-mêmes, ils réalisent qu’il faut se relever après des échecs, mais surtout, qu’il faut être fier de ce qu’ils peuvent accomplir lorsqu’ils réussissent à se se dépasser.
Je ne sais pas ce que Georges Brossard va nous dévoiler dans son dernier livre*. Pour avoir lu son premier ouvrage, “Audace et démesure“, il nous en apprend beaucoup sur ses multiples facettes, alors qu’il est connu principalement pour son importante contribution au monde de l’entomologie. Son parcours est étonnant à bien des égards. C’est surtout sa générosité sans bornes à l’égard des enfants qui nous a renversés lors de nos deux rencontres en tête-à-tête avec lui. J’ai bien hâte de lire son nouveau livre pour connaître son point de vue sur les passions. Je peux vous assurer que nous allons nous en procurer une copie dès notre retour au Québec, car il frappe sur l’une de nos cordes les plus sensibles!
* Maintenant que le livre est sorti, j’ai pu apprendre que le titre au complet est “Maudite Passion”. C’est roman autobiographique où M. Brossard raconte une de ses chasses en Afrique du Sud.
Lancement
- Entrevue à TVA, 14 mars
- Communiqué de presse, Éditions Druide
- La Liste, Plus on est de fous, plus on lit
Où sommes-nous au Costa Rica?
3 Commentaires
Commentaire par Nadia Beaudry
Nadia Beaudry 16 mars 2016 at 9:14 am
Bravo Maël pour tes efforts et ta persévérance afin de toujours mieux connaître les insectes. Quand on se verra, Gabriel, Maélie-Rose et Jérémie voudront que tu les inities à l’entomologie, c’est certain!!
Bravo Sounda et Sylvain pour soutenir les passions de vos enfants. Quand les parents entretiennent leurs propres passions, c’est plus facile de nourrir celles de autres 🙂
Commentaire par Jean Ladouceur
Jean Ladouceur 16 mars 2016 at 9:55 am
C’est un récit très touchant, éducatif et large d’esprit ! Votre compréhension et votre souplesse à l’égard de vos jeunes enfants sont particulièrement rafraichissantes. J’ai un très grand respect envers votre vision du voyage où les enfants occupent une grande place.
Je voyais Georges Brossard tout à l’heure à “Deux filles le matin”, dont le thème était la passion. Je suis très heureux que vous ayez renforcé la passion de Maël et de la famille, puisque c’est devenu une affaire de famille, au contact de ce passionné de l’entomologie. Je suis certain que cette passion donne un sens noble à vos nombreuses expéditions. Bravo à Maël, mais aussi à toute la famille !
Commentaire par Pierre-Marie Bourdaud
Pierre-Marie Bourdaud 17 mars 2016 at 2:19 pm
Avec des parents pareils, comment ne pas avoir de passions ?
Pour les insectes. Dans le Larousse universel en 2 volumes des années 1920, il y a de magnifiques planches couleur pleine page, dont une exclusivement consacrée aux insectes (tome I p 1193).
Et une très belle, monochrome, aux papillons (tome II, 486).
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