Dans la vie d’un capitaine, il y a peu d’expérience aussi exaltante que celle de participer à une course de voiliers. L’adrénaline du départ, les stratégies de course pour avoir une route optimale, les aléas de la météo sont d’autant d’éléments qui restent gravés dans la mémoire. Je me rappelle encore très vivement mes premières courses au lac Champlain, dont l’Omnium et la Clair de Lune. J’y ai vécu de superbes moments, soit en solitaire ou avec mes équipiers du moment.
Lorsqu’on planifie les routes pour traverser de l’Atlantique à partir de l’Europe, on ne peut pas ignorer un événement colossal: le Atlantic Rally for Cruisers. Près de 300 bateaux y participent à chaque année pour vivre ensemble la frénésie de la préparation du bateau, l’excitation d’être en course pour traverser l’Atlantique et la vie sociale qui s’installe à l’arrivée aux Antilles avec des dizaines d’anecdotes à partager. La flotte est principalement composée de bateaux européens et ils s’apprêtent à vivre leur première grande traversée. C’est un moment que bien des amirales (les conjointes) redoutent, mais l’épreuve est incontournable… La plupart prennent une année sabbatique pour compléter le tour de l’Atlantique et cette traversée est la seule chose qui les sépare des cocotiers et des plages de sable blanc de leurs rêves…
Est-ce nécessaire pour moi et Jayana de se joindre à l’ARC ? Non, pas vraiment. Mais est-ce que j’ai l’intention de profiter de chaque moment de vie sociale, de me faire des amis parmi les autres bateaux qui ont des enfants et surtout, d’être compétitif en course? Hell yeah! Un équipage vient en renfort me joindre à Las Palmas dans les îles Canaries. Il y a Mélanie, qui a été équipière à bord à notre départ en décembre 2014. Parmi ses rêves, celui de traverser l’Atlantique à la voile… Elle m’a approché il y a près d’un an pour me demander je pouvais avoir une place pour elle. Après réflexion, j’ai décidé de lui permettre de réaliser ce rêve pour ses 30 ans. Elle a dû faire plusieurs sacrifices pour que ce rêve se réalise, dont celui de laisser son emploi pour avoir les 2 mois nécessaires à réaliser un tel projet…
Ensuite, il y a Éric. Suite à un vidéo de recrutement affiché sur Facebook, plusieurs de mes connaissances m’ont fait parvenir des candidatures. Mon ancien associé chez IXmédia, Carl-Frédéric, m’a déniché un passionné de régates, de voile et d’aventure. Pigiste oeuvrant dans les nouveaux médias, il a un horaire flexible qui lui permet de s’octroyer cette première grande aventure. Il sera responsable du fine tuning des voiles, c’est certain!
Et puis, il y avait Sarah… Une Belge qui a étudié en architecture intérieure et qui a finalement changé d’orientation pour devenir instructrice de plongée sous-marine. Sarah a malheureusement eu un accident de randonnée il y a deux semaines elle n’aurait pas été complètement guérie avant le départ. J’ai annoncé aux deux autres la mésaventure de Sarah à leur arrivée sur Jayana et nous devions prendre une première décision importante: embarquer Sarah malgré sa blessure et les risques afférents, entreprendre la traversée à 3 personnes au lieu de 4 ou trouver d’urgence quelqu’un pour la remplacer.
Pour les aider dans leur décision, j’avais réussi à arranger une entrevue avec Francesca, une Italienne qui est arrivée en ville la veille pour être équipière sur un bateau. Elle m’avait contacté quelques semaines auparavant et après lui avoir initialement dit que mon équipage était complet, je lui ai mentionné qu’une équipière s’était blessée. L’entrevue s’est déroulée au milieu du sundowner, l’équivalent de nos 5-7, l’endroit idéal pour rencontrer l’équipage des autres bateaux. Le côté social de l’événement a pris plus d’importance et nous n’en savions pas beaucoup plus sur elle après que le bar fut fermé et que les responsables nous dirigeaient vers la sortie. Nous l’avons donc invité à prendre le repas avec nous et ce fut un endroit plus paisible pour apprendre à la connaître…
La première décision fut celle de communiquer à Sarah que nous avions décidé de ne pas prendre le risque d’embarquer une personne en convalescence à bord. Ensuite, il y avait de l’inconfort dans l’équipage d’être seulement 3 à bord. Par contre, prendre Francesca signifiait que nous devions faire des efforts pour parler en anglais, ce qui changerait notre dynamique à bord. Puis, nous la trouvions extrêmement timide… C’est toujours plus agréable d’être entouré de gens qui possèdent un enthousiasme débordant, surtout en étant enfermés ensemble pendant 3 semaines! Ce côté de Francesca me rebutait un peu, mais je n’avais pas d’autres personnes d’expérience à proposer à l’équipage.
Après avoir pris congé de Francesca, Mélanie a été la première à partager son avis. Malgré la langue et son côté timide, elle était enthousiaste à l’idée d’apprendre à la connaître. Éric était moins enthousiaste de devoir se forcer à parler en anglais, mais il y avait assez de bons côtés à sa présence pour qu’il soit du même avis que Mélanie. Bon, la décision était prise: demain nous allions annoncer à Francesca qu’elle était des nôtres et à Sarah, que nous regrettions qu’elle ne puisse pas prendre le départ avec nous…
Première photo de l’équipage de Jayana, habillé avec l’uniforme officiel de Team Jayana.